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L'Esprit lui-même prie en nous

(Romains 8,14-16)

Par Anselm Grün

Ces exercices entendent nous introduire à la vie de l'Esprit divin, celle dont nous parle saint Paul dans l'Epître aux Romains : « En effet, tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Aussi bien n'avez-vous pas reçu un esprit d'esclaves pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba ! Père ! » (Rm 8,14 et s.) Si nous vivons du Saint-Esprit, nous serons libérés de la crainte de savoir ce que nous sommes aux yeux des hommes. Nous sommes délivrés de la contrainte d'avoir à faire nos preuves et de nous justifier. Nombreux sont ceux qui font dépendre leur estime d'eux-mêmes du jugement des autres. Si leur valeur dépend donc de l'avis de ceux-ci, ils sont alors esclaves.

Le Saint-Esprit - ainsi que nous le dit Paul – nous délivre en faisant de nous les fils et les filles de Dieu. En tant que fils, nous sommes libérés des commentaires des gens qui nous entourent, libérés du pouvoir de ce monde. Si nous savons que nous sommes les enfants bien-aimés de Dieu, nous n'avons plus à mendier l’approbation des autres. Je ne suis plus leur esclave et je n'ai plus à me définir en fonction de leurs attentes. Je ne suis plus non plus esclave de la loi, de la discipline intérieure qui me prescrit continuellement de devenir meilleur, de progresser sans cesse, d'agir de mieux en mieux.

Pour ma part, je recours à différents exercices où je trouve de l'aide pour vivre davantage de l'Esprit de Dieu. Il y a tout d'abord l'observation de ma respiration. Eprouvez votre souffle, comment il va et vient. Imaginez-vous que ce n'est plus seulement un mouvement d'air, mais le souffle de Dieu, le Saint-Esprit divin. A travers lui, c'est l'Esprit-Saint qui vous pénètre. En ressentant cela, vous découvrez peut-être que vous êtes vraiment chez vous, que l'esprit mauvais, celui qui voudrait vous réduire en esclavage, n'a plus accès à vous. Et vous entrevoyez que, en vous, tout est pénétré de l’Esprit divin, de l'amour de Dieu. Dieu n'est pas un Dieu lointain, mais il est celui qui respire en vous, celui qui vous emplit de sa tendresse, qui vous dote d'une nouvelle façon de goûter les choses. Finie l'existence d'esclave qui nous oblige à nous plier aux exigences intérieures ou extérieures. Notre vie devient celle de fils et de filles libres, d'enfants qui vivent vraiment. Pour Paul, la vie du Saint-Esprit est la vie authentique. C'est la vie nouvelle que nous donne le Christ.

Cette vie nouvelle s'exprime d'abord par la prière. Car c'est le Saint-Esprit qui prie en moi, en venant en aide à ma faiblesse. « Car nous ne savons que demander pour prier », déclare Paul au v. 26. « Le Saint-Esprit lui-même vient au secours de notre faiblesse. » Par l'Esprit qui respire en nous, nous pouvons nous adresser à Dieu : « Abba ! Papa ! » (8,15). Dans la langue de Jésus, Abba est l'expression d'amour et de tendresse avec laquelle, en famille, on s'adresse au père. C'est par ce mot, « abba ! Cher papa », que Jésus parle à Dieu. Paul ne fait que reprendre sa prière. Dans l'Esprit, nous prenons part à la prière de Jésus ; avec lui, nous nous tournons vers notre Père. Nous devons proférer cette adresse avec autant d'amour et de confiance que Jésus lui-même. Il nous faut faire l'expérience qui fut la sienne, celle de la proximité du Père du Ciel. Peut-être certaines personnes, dont la relation à leur père a été difficile, auront-elles du mal à parler ainsi à Dieu. Mais elles pourront découvrir qu'il existe bien un vrai père qui me permet de vivre debout, qui me donne le courage de vivre.

Vivre du Saint-Esprit, vivre en fils et en filles de Dieu, cela signifiait pour les premiers moines prier constamment. C'est l'Esprit lui-même qui prie en nous. Nous n'avons pas à nous fatiguer à répéter des mots sans nous permettre aucune distraction. Prière incessante, cela veut dire que nous nous fions à l'Esprit qui prie en nous. Pour Augustin, elle consiste en ce que nous entrons en résonance avec notre aspiration profonde. Le Saint-Esprit, « qui intercède pour nous en des gémissements ineffables » (8,26), déploie en nous le désir profond qui nous habite, celui dont nous nous laissons souvent couper par nos tracas de tous les jours. Prier dans le Saint-Esprit, cela veut donc dire que nous aspirons au Dieu d'amour avec tout ce qui est en nous, que nous appelons le Dieu d'amour seul capable de combler notre attente. « Si tu veux ne pas interrompre ta prière, n'interromps pas ton désir, dit encore Augustin, car ton désir est ta prière ininterrompue. » Quand, dans la prière, nous entrons en résonance avec le désir de notre cœur, nous sentons que nous ne sommes plus seulement citoyens de la terre, mais déjà citoyens du ciel, que nous habitons en Dieu.

Au cours de ces exercices, efforcez-vous donc d'entrer en tout ce que vous faites en résonance avec votre désir. Sentez que votre cœur s'élève au-dessus de ce monde, qu'il aspire à Dieu, à son amour inconditionnel, à une existence définitive, à une protection totale. Alors priez. Vous n'avez pas besoin de formuler des mots. Le gémissement de votre cœur est celui de l'Esprit. C'est ce Saint-Esprit lui-même qui prie en vous. Vous avez simplement à lui faire place. Car il vous fera connaître l'amour intime et confiant du Père. Avec Jésus, vous devez dire au créateur du monde et de la terre : « Abba, cher papa. » Vous n'avez plus à obéir à n'importe quelle loi. Vous êtes libérés, libres, enfants bien-aimés de Dieu. Telle est la vraie vie.


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Modifié le  14-02-2012.